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MOVIE MADNESS
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15 septembre 2013

DIRTY HARRY

Titre
DIRTY HARRY / L'INSPECTEUR HARRY (1971)

UN FILM DE DON SIEGEL.
ÉCRIT PAR HARRY JULIAN FINK / RITA M. FINK / DEAN REISNER / JO HEIMS & JOHN MILIUS.
AVEC CLINT EASTWOOD / ANDREW ROBINSON / JOHN VERNON / RENI SANTONI & HARRY GUARDINO.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR LALO SCHIFRIN.

Un tueur en série menace de tuer une personne par jour si la municipalité de San Francisco ne lui paye pas une énorme somme d'argent. C'est sans compter sur l'inspecteur Harry Callahan qui, pour arrêter cette menace, n'hésitera pas une seconde à enfreindre lui-même la loi.

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Qui aujourd'hui n'a jamais entendu parler de DIRTY HARRY? Peu de monde, finalement. Il s'agit d'un de ses films qui est devenu par le monde complètement iconique, complètement représentatif d'une mode, d'un mouvement, d'une façon de faire des polars voire d'une façon différente de faire du cinéma. A l'inverse, qui, aujourd'hui se rappelle encore de Don Siegel? Peu de monde, finalement. Et il s'agit là d'une grande injustice puisque non content d'avoir été le mentor de Sam Peckinpah, il a lancé la carrière américaine de Clint Eastwood et lui a donné son bagage pour devenir réalisateur, et ce, tout en contribuant au Nouvel Hollywood, un des mouvements cinématographiques les plus importants du cinéma américain, avec autant de panache, d'inventivité & de vitalité que, au hasard, Coppola, Friedkin ou Eastwood. Étrangement, en dépit de cette renommée assez limitée, la filmographie de Don Siegel comporte un nombre de classiques assez fou : DIRTY HARRY (1971), évidemment, mais aussi INVASION OF THE BODY SNATCHERS (1956), ESCAPE FROM ALCATRAZ (1979), THE SHOOTIST (1976)... Bref, Don Siegel n'est pas n'importe qui. En témoigne ce DIRTY HARRY, qui, avec des films tels que THE WILD BUNCH (1969), THE FRENCH CONNECTION (1971) ou THE GODFATHER (1972), se range dans la catégorie des films iconiques d'une façon révolue de faire du cinéma, un cinéma qui manque certes mais qui a bien vécu et qui a offert de grands moments à tous les cinéphiles : le Nouvel Hollywood.

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Pour rappel, le Nouvel Hollywood est le mouvement qui a animé le cinéma américain de la fin des années 1960 à la fin des années 1980. Difficile d'en situer précisément le début historiquement. Pour beaucoup, c'est THE WILD BUNCH (1969) qui est à la base du mouvement, alors que pour d'autres, il s'agit de BONNIE AND CLYDE (1967) d'Arthur Penn, et pour d'autres, encore plus rares, c'est COOGAN'S BLUFF (1968) de Don Siegel qui en a posé les bases. Peu importe en soi, l'important étant que les réalisateurs ayant animé ce mouvement avaient, à l'époque de sa fondation, pour ambition commune de révolutionner le cinéma américain en profondeur, alors en plein essoufflement, en y apportant des thèmes & des sujets plus subversifs, plus osés & plus originaux, ainsi qu'un traitement visuel plus novateur, se caractérisant souvent par un usage de la violence considérable en regard de la production américaine des années précédentes. De manière générale, les réalisateurs du Nouvel Hollywood portent un regard sur le cinéma alors complètement nouveau, et avec des films tels que THE GODFATHER (1972), ils relancent l'industrie et l'envoient dans une direction radicalement opposée a celle qu'elle empruntait jusqu'alors. Au-delà de la révolution artistique que le mouvement constitue, c'est aussi une révolution commerciale qu'il opère, en témoigne l'émergence des premiers blockbusters avec JAWS (1976) & STAR WARS (1977), une révolution commerciale qui trouve une fin aussi brutale que son commencement avec THE HEAVEN'S GATE (1980) de Michael Cimino, qui cause la faillite de la compagnie United Artists et met fin à une ère nouvelle de cinéma. En 10-15 années, le Nouvel Hollywood à toutefois engendré de nombreuses perles, et DIRTY HARRY est de loin l'une des plus connues & des plus iconiques.

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La raison de ce succès tient en deux mots : Clint Eastwood. En quelques mots, Harry Callahan est au cinéma américain ce que le pistolero sans nom qu'il incarnait dans la trilogie du dollar de Sergio Leone est au cinéma italien. C'est un personnage majeur, et pas seulement du cinéma, mais bel et bien de la culture populaire dans son intégralité qui, encore aujourd'hui, influence de nombreux artistes dans de nombreux domaines. Très brièvement, DIRTY HARRY est la base absolue de la plupart des personnages de flics violents et têtes brulées qui parsèment le cinéma contemporain du monde entier. Pas besoin de citer des noms ou des titres pour prouver ce qui est maintenant un fait établi et indéniable, mais il demeure assez étonnant de voir que même John Wayne, avec McQ (1974) et BRANNIGAN (1975) ou Takeshi Kitano avec VIOLENT COP (1989) empruntent le sentier tracé par Don Siegel et Clint Eastwood en 1971. Tout cela, c'est en grande partie du à la magnifique performance d'Eastwood, dont le portrait d'Harry Callahan, en plus d'être immédiatement iconique, est d'une grande justesse, d'une incroyable puissance et d'une subtilité insoupçonnée. L'interprétation d'Eastwood, derrière ses dehors badass, cache des nuances et des zones de gris qui font de son personnage une figure forte non seulement d'un charisme indéniable, mais aussi riche de sens. Harry Callahan, contrairement aux nombreuses piètres imitations qui ont suivi, n'a pas qu'une facette, mais est un personnage d'une grande complexité, constamment explicitée et extériorisée par la composition très subtile de Clint Eastwood, qui trouve ici un de ses meilleurs rôles & un de ses meilleurs films. Dans l'ensemble, ceci dit, il suffit de voir arriver Harry Callahan dans son costard gris avec ses lunettes de soleil dans les premières images du film pour comprendre en quoi il est une icone immortelle, qui ne subira jamais les écueils du temps : c'est un de ces personnages qui imprime la rétine, l'esprit & la mémoire à vie.

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Pour autant, il ne faudrait pas oublier que l'interprétation de Clint Eastwood, aussi magnifique soit-elle, trouve avant tout son écho & sa résonance grâce à la caméra de Don Siegel, alors au sommet de son art et de sa forme. DIRTY HARRY est un monument de mise en scène : Don Siegel, en véritable virtuose, signe une oeuvre stylisée à la photographie magnifique, dans laquelle la classe & la complexité de sa mise en images se mêle à la perfection avec le sujet. Rarement la mise en scène de Siegel n'a été aussi aboutie : ses mouvement de caméras y sont longs & complexes, le découpage y est d'une précision et chaque scène semble étudiée et chorégraphiée au millimètre de sorte à atteindre le résultat le plus cinématographique et le plus percutant possible. Il n'est jamais question de réalisme dans DIRTY HARRY : Callahan lui-même est une figure presque métaphorique d'une justice inébranlable, capable d'aller jusqu'a transgresser la loi pour la faire respecter. Tout est exacerbé et stylisé dans l'oeuvre de Don Siegel, en témoigne cette scène d'introduction dans laquelle Callahan traverse en long et en large un toît surplombant San Francisco, comme pour montrer à quel point celui-ci, au même tître que le criminel qu'il chasse, est au-dessus des lois. Chaque plan, dans le film de Siegel, est étudié pour retransmettre une idée, pour amener une information indispensable aux thèses et aux questionnements qu'approche ce dernier... Car si DIRTY HARRY est bel et bien un divertissement de qualité, c'est avant tout une oeuvre riche de sens, qui amène des interrogations capitales sur un problème social d'une grande importance : la criminalité, l'inaction des forces de l'ordre et les réponses possibles vis-à-vis du chaos que ceux-ci engendrent. Telles sont les questions que Don Siegel & Eastwood se posent, et ils passent 1h30 à tenter d'y répondre avec une intelligence hors pair.

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Finalement, et c'est peut-être la une des plus grandes forces de DIRTY HARRY, le film de Don Siegel se construit avant tout comme un essai. Plutôt que d'étaler bêtement les réponses aux questions qu'il pose, il pose ses questions et laisse au spectateur le soin de trouver ses propres réponses. Et c'est là que DIRTY HARRY est brillant : il ne porte aucun jugement sur ses personnages et laisse planer toute l'ambiguité. En cela, c'est donc une oeuvre jusqu'au boutiste et radicale puisqu'il va au bout de ce qu'il aborde sans jamais faire de concessions, sans jamais apporter d'impuretés à même de souiller la force pure du film. Sans cela, DIRTY HARRY ne serait pas l'oeuvre bouleversante qu'elle est. Siegel et Eastwood coupent dans le vif, ce qui leur vaudra d'être taxés de fascistes à l'époque de la sortie du film, mais DIRTY HARRY est-il vraiment un film réactionnaire? Harry Callahan l'est très clairement, mais jamais Siegel n'en fait l'éloge. A l'inverse, il n'hésite pas à le montrer sous son jour négatif : c'est un voyeur, et en tant que policier, il a des méthodes assez douteuses, puisqu'il n'hésite pas à tirer sans sommation ou à torturer ses suspects. Pourtant, Harry Callahan remporte l'empathie et l'adhésion du spectateur. La raison est bien simple : Siegel, sans en faire l'apologie et sans le glorifier, en fait une représentation d'une valeur d'une noblesse absolue, la justice, et le confronte à des personnages qui, eux, n'ont absolument aucune valeurs. Qu'il s'agisse du tueur psychopathe, le Scorpio, ou du maire, dont l'inertie est la cause de bien des soucis... Tous font d'Harry Callahan le personnage le moins négatif du film. La noirceur du film se trouve canalisée en cette idée, et pour cause : si Harry Callahan est le meilleur d'entre tous, alors qui est le pire? L'humanité peut-elle arriver aussi bas? Cela ne semble ne faire aucun doute dans l'esprit de Don Siegel (en témoigne des films comme THE BEGUILED (1970) ou CHARLEY VARRICK (1973).). Pourtant, en ce qui concerne l'approche politique du film, il n'est jamais aussi catégorique.

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Siegel présente en effet les méandres d'un système judiciaire aussi inactif qu'incohérent, et dont la corruption incosciente empêche toute forme d'action efficace contre une criminalité en hausse, représentée par le personnage d'Andrew Robinson, le Scorpio, psychopathe terrifiant autant par ses actions que par son humanité prononcée. Parce que la loi et la justice sont deux choses bien différentes, on arrive à des incohérences judiciaires effrayantes telles que celles décrites par DIRTY HARRY. Au final, on arrive à se demander qui est le pire de tous. Est-ce le Scorpio? Finalement, ses actes s'expliquent relativement facilement par la folie dont il est de toute évidence atteint. A l'inverse, le maire et ses acolytes, par leur inaction, autorisent l'action de personnes aussi dangereuses, et sont par conséquent aussi voire plus dangereux que celles-ci. Siegel crache avec vigueur sur la politisation de la police et déplore de toute évidence cette dernière, puisqu'elle bloque l'action de personnes comme Harry Callahan, dont les méthodes, aussi douteuses soient-elles, permettent de faire une différence et de sauver des vies. Jamais, pourtant, Siegel ne décrit ce dernier comme une solution. Mais peut-être Harry Callahan est-il ce qui se dégage de mieux d'un système inerte et corrompu, et le fait que celui-ci soit un symbole d'espoir et de justice pour le spectateur devrait être révélateur. DIRTY HARRY, sans proposer de réponse aux questions qu'il impose avec violence, reste néanmoins une alerte à l'action contre un problème qui amène constamment la société moderne sur la pente descendante. Le problème est-il que les criminels se croient au-dessus des lois ou que la police se sente au-dessus de celles-ci? Le problème, est-ce le criminel, ou les politiques qui ne veulent pas agir contre ceux-ci? Tant de questions trop ambigues pour trouver une véritable réponse et pourtant frontalement abordées dans ce qui est sans doute le chef d'oeuvre ultime du grand Don Siegel.

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Il est donc de facile de comprendre en quoi DIRTY HARRY a pu déranger à l'époque, et en quoi il peut encore déranger à une époque ou les problèmes qu'il décrit sont plus actuels que jamais. C'est une oeuvre subversive, voire transgressive, qui est d'autant plus corrosive qu'il ne cache jamais sa subversion. Celle-ci fait partie intégrante du premier degré de lecture. Le divertissement se mêle ici avec brio à la réflexion politique. Pour autant, ne nous voilons pas la face, on regarde avant tout DIRTY HARRY pour le spectacle qu'il à a proposer. C'est en effet un film spectaculaire, qui propose des scènes d'action absolument révolutionnaires dans l'époque. Leur intensité et leur puissance n'a d'égal que la majestuosité de la mise en scène de Siegel, et le tout est constamment soutenu par la bande-son irréprochable, très pulp, très seventies et tout à fait jouissive du très grand Lalo Schifrin. Aussi fasciste soit-il, impossible de ne pas jubiler vis-à-vis de l'attitude badass d'Harry Callahan, ou de ne pas ressentir la tension nerveuse inhérente au film de Don Siegel. C'est sans compter que ce dernier à complètement révolutionné les codes narratifs et visuels du polar et a apporté toute une vague de films se revendiquant de la même veine, notamment une série de 4 suites, dont le deuxième volet, MAGNUM FORCE (1973), fut conçu quasiment entièrement pour calmer les ardeurs après le premier et rendre le tout un peu moins corrosif. Dommage, mais en soi, DIRTY HARRY se suffit à lui-même.

34Du coup, on va pas y aller par quatre chemins : DIRTY HARRY est un chef d'oeuvre, et c'est un film tout à fait indispensable à quiconque s'intéresse au cinéma. Au-delà des questionnements passionnants, importants & tout à fait indispensables qu'il propose, c'est avant tout une oeuvre qui brille par sa capacité constante à mêler ceux-ci à un côté divertissement tout à fait jouissif. DIRTY HARRY est un film drôle, amusant, mais dans le même temps, c'est également une oeuvre d'un grand nihilisme, d'une noirceur absolue et d'une subversion corrosive et hardcore. Tout cela est rendu possible par la maîtrise totale & le talent visuel incroyable de Don Siegel et par la superbe composition de Clint Eastwood, qui, avec le personnage d'Harry Callahan, trouve un des plus grands rôles de son illustre carrière. Dans l'ensemble, difficile de reprocher quoi que ce soit à un tel film. Les spectateurs les moins exigeants y trouveront un excellent divertissement, là ou les spectateurs plus exigeants eux, y trouveront un excellent divertissement ET une oeuvre d'une profondeur égale. Chef d'oeuvre, chef d'oeuvre, chef d'oeuvre.

-DUSTINOEUFMAN-

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POUR ACCÉDER A LA GALERIE COMPLETE DU FILM, CLIQUEZ ICI.

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SI VOUS AVEZ AIMÉ CE FILM, VOUS AIMEREZ...

  • COOGAN'S BLUFF (1968) / DON SIEGEL
  • CHARLEY VARRICK (1973) / DON SIEGEL
  • ESCAPE FROM ALCATRAZ (1979) / DON SIEGEL
  • THE FRENCH CONNECTION (1971) / WILLIAM FRIEDKIN
  • TO LIVE AND DIE IN L.A. (1985) / WILLIAM FRIEDKIN
  • THE GAUNTLET (1977) / CLINT EASTWOOD
  • SUDDEN IMPACT (1983) / CLINT EASTWOOD
  • BULLITT (1968) / PETER YATES
  • THE GETAWAY (1972) / SAM PECKINPAH
  • SERPICO (1973) / SIDNEY LUMET

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POUR ALLER ENCORE PLUS LOIN...
(Films très différents de celui chroniqué, mais qui permettent de mieux l'aborder & le comprendre)

  • TWO MULES FOR SISTER SARA (1970) / DON SIEGEL
  • THE BEGUILED (1971) / DON SIEGEL
  • THE BLACK WINDMILL (1974) / DON SIEGEL
  • MAGNUM FORCE (1973) / TED POST
  • DEATH WISH (1974) / MICHAEL WINNER
  • VIGILANTE (1980) / WILLIAM LUSTIG
  • THE WILD BUNCH (1969) / SAM PECKINPAH
  • THE HEAVEN'S GATE (1980) / MICHAEL CIMINO
  • VIOLENT COP (1989) / TAKESHI KITANO

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Commentaires
K
Bel article. Désormais, je verrai l'inspecteur Harry différemment...
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