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MOVIE MADNESS

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6 février 2014

CRIMINAL WOMAN : KILLING MELODY

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 CRIMINAL WOMAN : KILLING MELODY / ZENKA ONNA : KOROSHI BUSHI (1973)

UN FILM DE ATSUSHI MIHORI.
ÉCRIT PAR FUMIO KONAMI ET HIRO MATSUDA.
AVEC REIKO IKE / MIKI SUGIMOTO / CHIYOKO KAZAMA.

Maki (Reiko Ike) se retrouve en prison après avoir tenté de tuer le boss de Oba Industries, qui a assassiné son père. Accompagnée par d'autres détenues, elle va préparer sa vengeance.

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 Le genre du pinky violence est vraiment à part dans l'histoire du cinéma. C'est une somme d'éléments réunis au bon endroit au bon moment et d'où ont pu naitre des films totalement inédits et singuliers. A la fin des années 60, les gros studios japonais (notamment la Nikkatsu et la Toei) ont de plus en plus de mal à rivaliser avec la télévision. L'échec financier spectaculaire du film PROFOND DÉSIR DES DIEUX (Shohei Imamura, 1968) va même entrainer la Nikkatsu à changer sa ligne directrice et se concentrer sur des productions de moindre envergure. La Toei va suivre l'exemple, et va lancer le genre du pinky violence. Réalisateurs, acteurs et actrices reconnus, tous ont participé à ces grands bouleversements, et c'est comme ça que des films d'exploitations se sont retrouvés sur le devant de la scène, soutenus par des gens talentueux, et beaucoup de ces films furent des succès commerciaux au Japon. A ce contexte s'ajoute la montée du féminisme partout dans le monde, phénomène qui se verra bien sûr dans le genre du pinky violence avec des héroines fortes, souvent guerrières et revanchardes. Pour parachever ce concours de circonstances qui a propulsé vers le succès le film d'exploitation japonais, il faut aussi noter la montée de la blacksploitation aux États-Unis et son énorme influence sur le cinéma japonais. C'est pour toutes ces raisons que les films éstampillés pinky violence, concentrés de sexe, de comédie et d'action mettant en scène des femmes fortes, sont des films qui appartiennent à une époque précise, et c'est aussi ce qui les rend si facinants.

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Le film débute comme un Women in Prison, genre alors très en vogue au Japon depuis le succès retantissant de LA FEMME SCORPION. On suit un groupe de filles, qui racontent chacun leur tour la raison de leur incarceration. L'occasion de voir en flash back diverses scènes de violence, de perversité ou de vol. Avec cette approche, CRIMINAL WOMAN : KILLING MELODY se rapproche beaucoup du film ELLE S'APPELAIT SCORPION, qui traite de la culpabilité d'un groupe de détenues d'une façon très similaire. Mais très vite, on se rend compte que l'intérêt du film est ailleurs. Plus que le groupe, c'est sur un personnage que l'on se concentre, celui interprêté par Reiko Ike. Cette dernière nourrit un désir de vengeance envers le yakuza qui a ordonné l'exécution de son père. En prison, elle s'entoure d'un groupe d'autres détenues, mais déjà une rivalité s'installe entre Reiko Ike et un autre personnage, interprêté par Miki Sugimoto, qui semble être impliquée dans la mort de son père. Mais les rivalités de prison tournent court, car avec une ellipse assez vertigineuse, le film nous propulse quelques années plus tard, lorsque Reiko Ike sort de prison et compte exécuter sa vengeance. Adieu le Woman in Prison qui s'annonçait, le pinky violence dans la plus pure tradition du genre peut alors commencer.

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CRIMINAL WOMAN : KILLING MELODY est avant tout un film sur une rivalité, porté à l'écran par deux actrices alors très populaires, Reiko Ike et Miki Sugimoto. Elles ont déjà joué ensemble un bon nombre de fois, notamment dans la saga SUKEBAN ou dans TERRIFYING GIRLS HIGH SCHOOL, et leur complicité dans le film se ressent à chaque instant. Une complicité d'ailleurs mêlée à une rivalité également derrière l'écran puisque les deux actrices sont alors au sommet de leur gloire et incarnent toutes deux l'idéal féminin du pinky violence. Autant dire que les rôles qu'elles incarnent leur vont à ravir, et l'amitié fuyante entre ces deux personnages nourrit le film et le rend passionnant. Le film déploit d'ailleurs son intrigue autour de ce concept, et on retrouve ainsi tous les codes du pinky violence. Même si ce CRIMINAL WOMAN : KILLING MELODY est certainement moins sexué que certains autres films du genre, la sexualité du personnage de Reiko Ike est tout de même mise en avant. C'est avec son corps qu'elle s'infiltre dans le gang de Yakuzas et va prendre le dessus sur les hommes. Mais plus qu'un film érotique, c'est avant tout un film de vengeance, où les règlements de comptes s'enchainent et où le Yakuza, dominateur traditionnel face aux femmes, va voir ici le schéma s'inverser. On est en plein territoire du pinky violence, avec tout ce que cela implique. Le film ne surprend pas vraiment de ce point de vue là, et l'intrigue délivre ce qu'on peut attendre d'une production du genre. Mais l'intérêt du film ne réside pas dans son originalité. Ce qui force le respect c'est au contraire la façon dont il s'approprie tous ces codes du genre et les maitrise à la perfection. Le pinky violence est un genre qui a pu se parfaire avec le temps, et ce film en est un des plus beaux exemples.

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Si le film se distingue d'autres productions du genre, c'est donc en partie grâce à ses deux actrices. Les confrontations entre Reiko Ike et Miki Sugimoto sont lourdes de sens et très intenses dramatiquement. La réalisation prend le parti d'expliciter à l'extrême tous ces enjeux avec deux duels, qui sont sans aucun doute les scènes centrales du film. Un combat lors de la rencontre des deux personnage, et un autre à la fin du film, qui scellera l'amitié entre les deux femmes. La premier duel surtout, marque les esprits par sa durée. Dans une séquence de près de dix minutes, les deux actrices se battent au corps à corps jusqu'à l'épuisement, avec une rage et une fougue extrême. Elles sont prêtes à tout pour défendre leur honneur, et la violence, la durée et l'intensité de la séquence sont remarquables. Le duel est simplement ponctué par les cris des deux actrices, et lorsque son issu se fait sentir, la musique arrive alors, quelques notes très simples mais très belles, qui renforcent les enjeux dramatiques de la scène. C'est brillament exécuté, et c'est sans aucun doute le moment fort du film. Dans la même idée, le combat final, et son issu, forment une conclusion parfaite pour les deux personnages, mais également pour les deux actrices.

CRIMINAL WOMAN : KILLING MELODY est un des plus beaux exemples du pinky violence. Il contient tous les éléments qui font la force du genre et les perfectionnent pour en faire un film rempli de grands moments tout en restant complètement le produit d'un genre et d'une période précise. Mais surtout, il met en scène deux icones, Reiko Ike et Miki Sugimoto, deux actrices alors au sommet de leur carrière, et dont la complicité et la rivalité se ressent dans chaque plan du film.

-WAHO-


 SI VOUS AVEZ AIMÉ CE FILM, VOUS AIMEREZ AUSSI...

  • STRAY CAT ROCK : FEMALE BOSS (1970)  YASUHARU HASEBE
  • LA FEMME SCORPION (1972)  / SHUNYA ITO
  • TERRIFYING GIRLS HIGH SCHOOL (1973)  NORIFUMI SUZUKI

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22 janvier 2014

A STORY OF YONOSUKE

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A STORY OF YONOSUKE / YOKOMICHI YONOSUKE (2013)

UN FILM DE SHUICHI OKITA.
ÉCRIT PAR SHIRO MAEDA.
AVEC KENGO KORA / YURIKO YOSHITAKA / AYUMI ITO.

 En 1987, Yonosuke âgé de 18 ans, emménage à Tokyo et se retrouve confronté à la vie universitaire. Malgré son manque de talent, il rejoint le club de samba où il se plaît à danser librement. Très vite, il fait la rencontre de Shoko, une fille excentrique qui semble s'intéresser à lui. Mais Yonosuke, lui, s'est déjà entiché d'une mystérieuse femme du nom de Chiharu. 16 ans plus tard, on retrouve ses amis : Yonosuke, qui disait vouloir devenir photographe après la fac, n'est plus là. Petit à petit, ils nous racontent la tragédie altruiste qui s'est abattue sur leur si “ordinaire” ami.

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 A STORY OF YONOSUKE est le quatrième film du réalisateur Shûichi Okita. Après des débuts remarqués au Japon, c'est avec ce dernier film qu'il va attirer l'attention du public occidental, chose assez rare pour être soulignée. Les films japonais qui s'exportent à l'étranger et qui ne sont pas des films d'animation ou d'horreur se comptent sur les doigts de la main. Mais ce film en question a fait le tour des festivals européens, en attendant peut être une sortie française un jour. Et en voyant le film, on ne peut que se réjouir d'un tel succès. A STORY OF YONOSUKE, adapté d'un roman de Shuichi Yoshida, raconte la jeunesse d'un certain Yonosuke (interprêté par Kengo Kora), de son arrivée à l'université en 1987 jusqu'à son passage à l'âge adulte. Un peu timide et dans son monde, il passe vite pour un excentrique pour tous les gens qu'il croise. Mais un excentrique qu'on aime bien, parce qu'il n'y a rien de mauvais chez lui. Il va se lier d'amitié avec d'autres étudiants, rencontrer ce qui pourrait bien être l'amour de sa vie, mais aussi une femme très mystérieuse qui le fascine. Tous ces personnages, des années plus tard, tenteront de se souvenir de ce Yonosuke, devenu qu'un lointain souvenir. Avec la durée du film (un peu moins de 3h) et l'intention du réalisateur de raconter le destin de tous ces personnages, A STORY OF YONOSUKE a l'aura des films ambitieux, ceux qui donnent l'impression qu'une éternité se passe entre le début et la fin et qui, lorsque tout est fini, nous font repenser avec nostalgie aux évènements qui ont construit le film. De l'université et l'insouciance à l'arrivée de responsabilités, de l'amour naissant aux regrets d'un temps révolu, le film cherche à tout aborder et au milieu de tout ça, il y a un personnage : Yonosuke.

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Yonosuke, c'est la grande idée du film. Celle qui rend toute cette histoire originale, celle qui lie tous les éléments du film entre eux. Et cette idée est très simple : Yonosuke est un homme bon, un peu particulier et différent des autres, mais qui va toucher la vie de tous ceux qu'il rencontre, sans jamais rien demander en retour et sans même se rendre compte de la portée de ses actes. Plus qu'un personnage, c'est une idée donc, un concept abstrait matérialisé sous les traits d'un homme. Et tous les personnages vont graviter autour de lui, viennent puis s'en vont. La personnalité un peu étrange de Yonosuke, bien servie par la superbe interprétation de Kengo Kora, va être à l'origine de tous les ressorts comiques du film. Difficulté d'élocution, hésitations, incompréhension, tout marche à merveille et rendent le film très drôle, mais sans pour autant oublier l'objectif principal : raconter une époque, et ceux qui y ont vécu. C'est pourquoi le film n'hésite pas à aborder des thèmes plus graves : un étudiant très proche de Yonosuke va finir par s'éloigner de ce dernier car il doit faire face aux premiers problèmes de la vie et ses premières responsabilités, car sa petite amie est enceinte.. Un autre de ses amis vit seul et ne cherche pas vraiment la compagnie des autres. Pourtant bien plus tard, il se souviendra avec nostalgie du temps passé avec Yonosuke... Toutes ces histoires deviennent bien plus poignante lorsque le film nous montre la vie de ces anciens amis du protagoniste principal, tous  semblent se souvenir de lui très vaguement, ils ont tous été affecté par sa présence mais n'est plus qu'une lointaine idée au fond de leur mémoire.

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Avec cette ambition dans le traitement du sujet et le parti pris d'évoquer cette histoire dans le passé et le présent, le film aurait pu tomber dans le mélodrame très romancé et plutôt indigeste (ce que bon nombre de film japonais n'hésitent pas à faire). Pourtant, malgré tous les grands moments d'émotions qu'évoquent le film, tout reste très juste car très subtilement amené. Notamment avec une utilisation parfaite des éllipses, qui permettent de suggérer certains éléments sans qu'on ressente le besoin d'en savoir plus. Beaucoup de choses se passent sans qu'on le voit, mais tout reste très clair parce qu'évoqué dans la mise en scène ou les dialogues. Le film prend donc le parti pris de la subtilité et dit de grandes choses à voix basse. La partie qui en bénéficie le plus, c'est la romance entre Yonosuke et Shoko (interprêtée par Yuriko Yoshitaka, toujours très pétillante). On oscille entre comédie et tragédie, moment de bonheur et moments de regrets, et tout est toujours très beau. Le film nous laisse le temps de sourire, et nous laisse la possibilité de pleurer sans pour autant insister ni pousser le spectateur. C'est d'une grande intelligence, jusque dans la séquence finale, absolument déchirante et pourtant heureuse, parce le spectateur à toute les cartes en mains pour comprendre la situation et ses enjeux, sans presque s'en rendre compte. C'est brillant.

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Le film ne serait donc pas le même sans Yonosuke, et Yonosuke ne serait pas le même sans Kengo Kora. Le jeune acteur (26 ans) livre une prestation de haute volée, étant capable de faire rire grâce à un très bon timing comique et des dialogues délivrés à la perfection. Et, quand la scène le veut, il peut avec un simple regard évoquer toute la profondeur de son personnage. Yonosuke est vraiment un rôle qui lui permet d'exprimer son talent, et c'est un vrai bonheur de le voir s'épanouir ainsi. Il fait partie d'une génération d'acteur qui ne payait pas de mine il y a quelques années, à jouer dans des dramas inintéressants et des comédies lambda. Mais avec le temps, lui et d'autres acteurs comme Eita ou Satoshi Tsumabuki se sont imposés comme des noms importants du cinéma japonais, et prouvant que la relève est belle et bien là. Avec pas moins de cinq films en 2013 et autant pour l'année qui arrive, Kengo Kora s'est bien installé et c'est avec plaisir qu'on le reverra par la suite.

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A STORY OF YONOSUKE est un film à la hauteur de ses ambitions. Grâce à l'utilisation géniale du personnage principal et une maitrise parfaite de l'élipse et des non-dits, c'est le genre de film qui marque par sa capacité à réussir tout ce qu'il entreprend, et ce n'est vraiment que justice de voir son succès au Japon et en occident. Une des meilleurs films japonais de l'année 2013, assurément.

-WAHO-


SI VOUS AVEZ AIMÉ CE FILM, VOUS AIMEREZ AUSSI...

  • SEE YOU TOMORROW, EVERYONE (2013)  / YOSHIHIRO NAKAMURA
  • THE EGOISTS (2011)  / RYUICHI HIROKI

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19 janvier 2014

WILL YOU STILL LOVE ME TOMORROW?

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WILL YOU STILL LOVE ME TOMORROW? / MING TIAN JI DE AI SHANG WO (2013)

UN FILM D'ARVIN CHEN.
ÉCRIT PAR ARVIN CHEN.
AVEC RICHIE REN / MAVIS FAN / KIMI HSIA / LAWRENCE KO.

Un homme marié commence à remettre en question sa sexualité lorsque sa femme lui parle de faire un nouvel enfant.

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ARVIN CHEN, 35 ans, est un réalisateur en devenir. Après avoir débuté comme assistant pour EDWARD YANG en 2001, il fait ses débuts à la réalisation en 2007 avec le court métrage MEI, et complète son premier long métrage en 2010 avec AU REVOIR TAIPEI, fougueuse comédie romantique très remarquée dans les festivals, notamment à Berlin, et qui fut un succès au box office taiwanais. AU REVOIR TAIPEI avait tout d'un premier film, avec la fraicheur et la fougue qu'il apportait, mais aussi les quelques errances et imperfections d'un scénario peut-être trop ambitieux qui desservait un peu le film. Son second film , WILL YOU STILL LOVE ME TOMORROW? est donc plus posé, moins exubérant, mais n'en reste pas moins intéressant.

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WILL YOU STILL LOVE ME TOMORROW? raconte l'histoire de Weichung (interprêté par RICHIE REN) un opticien quadragénaire et père de famille, qui remet sa sexualité en question du jour au lendemain lorsque sa femme évoque l'idée d'avoir un nouvel enfant. ARVIN CHEN délaisse donc les personnages adolescents de son premier film et met en avant des protagonistes plus âgés, issus de la classe moyenne taiwanaise. Des personnages qu'on pourrait retrouver chez EDWARD YANG en somme, des hommes et des femmes indécis et un peu perdus dans Taipei : Meichung donc, personnage central de l'histoire, a des doutes sur sa sexualité, sa soeur Mandy (interprêté par KIMI HSIA) sur le point de se marier, laisse tout tomber pour se retrancher chez elle et passe son temps à regarder des comédies romantiques tout en étant harcelée par son fiancé qui lui implore de lui donner une seconde chance, la femme de Meichung (jouée par MAVIS FAN) commence à avoir des doutes sur la fidélité de son mari tandis que son job devient de plus en plus précaire... Les liens entre tous ces personnages sont fragiles et peuvent se briser à tout instant, difficile alors de ne pas penser aux personnages de A CONFUCIAN CONFUSION (1994) ou de YI YI (2000) d'Edward Yang, tous dans des situations similaires.

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Cependant, la grande différence avec le cinéma de son mentor réside dans le traitement du sujet, et notamment la manière dont ARVIN CHEN dépeint la ville de Taipei. Dans le film, on est loin du bourbier impitoyable qu'EDWARD YANG décrivait dans nombre de ses films. La ville est même filmée de manière très romantique, c'est coloré, et les plans savent mettre en valeur les ruelles bucoliques que les personnages parcourent. Toute la photographie du film est d'ailleurs très agréable à l'oeil, très épurée en intérieur, et très joliment éclairé en extérieur, surtout la nuit. Cet aspect romantique passe également par la musique, avec l'utilisation de violons qui viennent habiller les plans de Taipei et leur conférer une identité presque enchanteresse.

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Mais ce Taipei tiré d'une carte postale ne cache pas vraiment le vrai sujet du film : une étude de l'Homme moderne et citadin, comme seul le cinéma taiwanais en a le secret. Problèmes de couples, solitude, rêves, désillusions, tout se mélange à mesure que les personnages se croisent et se tournent autour dans la ville. Et le miracle, ou plutôt le vrai talent d'ARVIN CHEN, c'est que tout se fait sans la moindre fausse note. Tous les personnages, y compris ceux au second plan, ont quelque chose d'intéressant à montrer et jusqu'à la fin du film ils sont tous, à leur manière, très attachants. Et ceci grâce à l'approche très honnête du réalisateur : lorsqu'il se penche sur le couple en décomposition qui est au centre du film, il s'intéresse au deux côtés du problème et à ses conséquences. Le mari qui veut poursuivre son aventure avec l'homme qu'il aime mais ne veut pas briser sa famille, et la femme qui se retrouve complètement bloquée par cette situation. De la même manière, lorsque des fiançailles sont brutalement annulées, on suit autant le coeur brisé de l'homme que la détresse de la femme. C'est du cinéma généreux et tendre, ou le manichéen n'a évidemment pas sa place et c'est là la plus grande réussite du film.

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Mais si on aime tous ces personnages, c'est aussi grâce aux acteurs, tous très convainquant dans leur rôle respectifs. RICHIE REN est parfait en quadragénaire un peu perdu et timide, mais c'est surtout MAVIS FAN, en femme trompée, qui marque les esprits. En plus d'être une chanteuse au talent immense, elle prouve ici qu'elle est capable de jouer de manière très juste un rôle pas évident et bien plus profond qu'on pourrait le croire en commençant le film. Ce n'est donc pas une surprise si le moment de bravoure du film est une scène saisissante où elle peut combiner ses deux talents : son personnage, complètement ivre et triste, chante dans un karaoke la chanson WILL YOU LOVE ME TOMORROW du girls band THE SHIRELLES, la scène se transformant très vite en rêverie hors du temps et de l'espace.

Le film est donc une franche réussite car il comprend de nombreux éléments qui ont fait un jour la renommée du cinéma taiwanais, avec un regard sur ses personnages parfois un peu cruel mais toujours tendre. On sent bien sûr les influences d'EDWARD YANG derrière le film , même si ARVIN CHEN réalise  ici quelque chose de résolument grand public, démarche qu'on ne peut que saluer tant le film est accessible, drôle et agréable à suivre. C'est aussi l'occasion de prouver que le cinéma taiwanais est encore capable de produire de très belles choses, et où peuvent encore émerger de vrais talents comme ARVIN CHEN, qui en réalisant ici un second film plus posé et maitrisé corrige les erreurs et maladresses de jeunesse de son premier long métrage  et s'impose comme un réalisateur à suivre de très près.

-WAHO-


SI VOUS AVEZ AIMÉ CE FILM, VOUS AIMEREZ AUSSI...

  • AU REVOIR TAIPEI (2010) / ARVIN CHEN
  • A CONFUCIAN CONFUSION (1994)  / EDWARD YANG
  • YI YI (2000)  EDWARD YANG
  • BROADCAST NEWS (1987)  JAMES L. BROOKS

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15 septembre 2013

DIRTY HARRY

Titre
DIRTY HARRY / L'INSPECTEUR HARRY (1971)

UN FILM DE DON SIEGEL.
ÉCRIT PAR HARRY JULIAN FINK / RITA M. FINK / DEAN REISNER / JO HEIMS & JOHN MILIUS.
AVEC CLINT EASTWOOD / ANDREW ROBINSON / JOHN VERNON / RENI SANTONI & HARRY GUARDINO.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR LALO SCHIFRIN.

Un tueur en série menace de tuer une personne par jour si la municipalité de San Francisco ne lui paye pas une énorme somme d'argent. C'est sans compter sur l'inspecteur Harry Callahan qui, pour arrêter cette menace, n'hésitera pas une seconde à enfreindre lui-même la loi.

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Qui aujourd'hui n'a jamais entendu parler de DIRTY HARRY? Peu de monde, finalement. Il s'agit d'un de ses films qui est devenu par le monde complètement iconique, complètement représentatif d'une mode, d'un mouvement, d'une façon de faire des polars voire d'une façon différente de faire du cinéma. A l'inverse, qui, aujourd'hui se rappelle encore de Don Siegel? Peu de monde, finalement. Et il s'agit là d'une grande injustice puisque non content d'avoir été le mentor de Sam Peckinpah, il a lancé la carrière américaine de Clint Eastwood et lui a donné son bagage pour devenir réalisateur, et ce, tout en contribuant au Nouvel Hollywood, un des mouvements cinématographiques les plus importants du cinéma américain, avec autant de panache, d'inventivité & de vitalité que, au hasard, Coppola, Friedkin ou Eastwood. Étrangement, en dépit de cette renommée assez limitée, la filmographie de Don Siegel comporte un nombre de classiques assez fou : DIRTY HARRY (1971), évidemment, mais aussi INVASION OF THE BODY SNATCHERS (1956), ESCAPE FROM ALCATRAZ (1979), THE SHOOTIST (1976)... Bref, Don Siegel n'est pas n'importe qui. En témoigne ce DIRTY HARRY, qui, avec des films tels que THE WILD BUNCH (1969), THE FRENCH CONNECTION (1971) ou THE GODFATHER (1972), se range dans la catégorie des films iconiques d'une façon révolue de faire du cinéma, un cinéma qui manque certes mais qui a bien vécu et qui a offert de grands moments à tous les cinéphiles : le Nouvel Hollywood.

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Pour rappel, le Nouvel Hollywood est le mouvement qui a animé le cinéma américain de la fin des années 1960 à la fin des années 1980. Difficile d'en situer précisément le début historiquement. Pour beaucoup, c'est THE WILD BUNCH (1969) qui est à la base du mouvement, alors que pour d'autres, il s'agit de BONNIE AND CLYDE (1967) d'Arthur Penn, et pour d'autres, encore plus rares, c'est COOGAN'S BLUFF (1968) de Don Siegel qui en a posé les bases. Peu importe en soi, l'important étant que les réalisateurs ayant animé ce mouvement avaient, à l'époque de sa fondation, pour ambition commune de révolutionner le cinéma américain en profondeur, alors en plein essoufflement, en y apportant des thèmes & des sujets plus subversifs, plus osés & plus originaux, ainsi qu'un traitement visuel plus novateur, se caractérisant souvent par un usage de la violence considérable en regard de la production américaine des années précédentes. De manière générale, les réalisateurs du Nouvel Hollywood portent un regard sur le cinéma alors complètement nouveau, et avec des films tels que THE GODFATHER (1972), ils relancent l'industrie et l'envoient dans une direction radicalement opposée a celle qu'elle empruntait jusqu'alors. Au-delà de la révolution artistique que le mouvement constitue, c'est aussi une révolution commerciale qu'il opère, en témoigne l'émergence des premiers blockbusters avec JAWS (1976) & STAR WARS (1977), une révolution commerciale qui trouve une fin aussi brutale que son commencement avec THE HEAVEN'S GATE (1980) de Michael Cimino, qui cause la faillite de la compagnie United Artists et met fin à une ère nouvelle de cinéma. En 10-15 années, le Nouvel Hollywood à toutefois engendré de nombreuses perles, et DIRTY HARRY est de loin l'une des plus connues & des plus iconiques.

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La raison de ce succès tient en deux mots : Clint Eastwood. En quelques mots, Harry Callahan est au cinéma américain ce que le pistolero sans nom qu'il incarnait dans la trilogie du dollar de Sergio Leone est au cinéma italien. C'est un personnage majeur, et pas seulement du cinéma, mais bel et bien de la culture populaire dans son intégralité qui, encore aujourd'hui, influence de nombreux artistes dans de nombreux domaines. Très brièvement, DIRTY HARRY est la base absolue de la plupart des personnages de flics violents et têtes brulées qui parsèment le cinéma contemporain du monde entier. Pas besoin de citer des noms ou des titres pour prouver ce qui est maintenant un fait établi et indéniable, mais il demeure assez étonnant de voir que même John Wayne, avec McQ (1974) et BRANNIGAN (1975) ou Takeshi Kitano avec VIOLENT COP (1989) empruntent le sentier tracé par Don Siegel et Clint Eastwood en 1971. Tout cela, c'est en grande partie du à la magnifique performance d'Eastwood, dont le portrait d'Harry Callahan, en plus d'être immédiatement iconique, est d'une grande justesse, d'une incroyable puissance et d'une subtilité insoupçonnée. L'interprétation d'Eastwood, derrière ses dehors badass, cache des nuances et des zones de gris qui font de son personnage une figure forte non seulement d'un charisme indéniable, mais aussi riche de sens. Harry Callahan, contrairement aux nombreuses piètres imitations qui ont suivi, n'a pas qu'une facette, mais est un personnage d'une grande complexité, constamment explicitée et extériorisée par la composition très subtile de Clint Eastwood, qui trouve ici un de ses meilleurs rôles & un de ses meilleurs films. Dans l'ensemble, ceci dit, il suffit de voir arriver Harry Callahan dans son costard gris avec ses lunettes de soleil dans les premières images du film pour comprendre en quoi il est une icone immortelle, qui ne subira jamais les écueils du temps : c'est un de ces personnages qui imprime la rétine, l'esprit & la mémoire à vie.

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Pour autant, il ne faudrait pas oublier que l'interprétation de Clint Eastwood, aussi magnifique soit-elle, trouve avant tout son écho & sa résonance grâce à la caméra de Don Siegel, alors au sommet de son art et de sa forme. DIRTY HARRY est un monument de mise en scène : Don Siegel, en véritable virtuose, signe une oeuvre stylisée à la photographie magnifique, dans laquelle la classe & la complexité de sa mise en images se mêle à la perfection avec le sujet. Rarement la mise en scène de Siegel n'a été aussi aboutie : ses mouvement de caméras y sont longs & complexes, le découpage y est d'une précision et chaque scène semble étudiée et chorégraphiée au millimètre de sorte à atteindre le résultat le plus cinématographique et le plus percutant possible. Il n'est jamais question de réalisme dans DIRTY HARRY : Callahan lui-même est une figure presque métaphorique d'une justice inébranlable, capable d'aller jusqu'a transgresser la loi pour la faire respecter. Tout est exacerbé et stylisé dans l'oeuvre de Don Siegel, en témoigne cette scène d'introduction dans laquelle Callahan traverse en long et en large un toît surplombant San Francisco, comme pour montrer à quel point celui-ci, au même tître que le criminel qu'il chasse, est au-dessus des lois. Chaque plan, dans le film de Siegel, est étudié pour retransmettre une idée, pour amener une information indispensable aux thèses et aux questionnements qu'approche ce dernier... Car si DIRTY HARRY est bel et bien un divertissement de qualité, c'est avant tout une oeuvre riche de sens, qui amène des interrogations capitales sur un problème social d'une grande importance : la criminalité, l'inaction des forces de l'ordre et les réponses possibles vis-à-vis du chaos que ceux-ci engendrent. Telles sont les questions que Don Siegel & Eastwood se posent, et ils passent 1h30 à tenter d'y répondre avec une intelligence hors pair.

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Finalement, et c'est peut-être la une des plus grandes forces de DIRTY HARRY, le film de Don Siegel se construit avant tout comme un essai. Plutôt que d'étaler bêtement les réponses aux questions qu'il pose, il pose ses questions et laisse au spectateur le soin de trouver ses propres réponses. Et c'est là que DIRTY HARRY est brillant : il ne porte aucun jugement sur ses personnages et laisse planer toute l'ambiguité. En cela, c'est donc une oeuvre jusqu'au boutiste et radicale puisqu'il va au bout de ce qu'il aborde sans jamais faire de concessions, sans jamais apporter d'impuretés à même de souiller la force pure du film. Sans cela, DIRTY HARRY ne serait pas l'oeuvre bouleversante qu'elle est. Siegel et Eastwood coupent dans le vif, ce qui leur vaudra d'être taxés de fascistes à l'époque de la sortie du film, mais DIRTY HARRY est-il vraiment un film réactionnaire? Harry Callahan l'est très clairement, mais jamais Siegel n'en fait l'éloge. A l'inverse, il n'hésite pas à le montrer sous son jour négatif : c'est un voyeur, et en tant que policier, il a des méthodes assez douteuses, puisqu'il n'hésite pas à tirer sans sommation ou à torturer ses suspects. Pourtant, Harry Callahan remporte l'empathie et l'adhésion du spectateur. La raison est bien simple : Siegel, sans en faire l'apologie et sans le glorifier, en fait une représentation d'une valeur d'une noblesse absolue, la justice, et le confronte à des personnages qui, eux, n'ont absolument aucune valeurs. Qu'il s'agisse du tueur psychopathe, le Scorpio, ou du maire, dont l'inertie est la cause de bien des soucis... Tous font d'Harry Callahan le personnage le moins négatif du film. La noirceur du film se trouve canalisée en cette idée, et pour cause : si Harry Callahan est le meilleur d'entre tous, alors qui est le pire? L'humanité peut-elle arriver aussi bas? Cela ne semble ne faire aucun doute dans l'esprit de Don Siegel (en témoigne des films comme THE BEGUILED (1970) ou CHARLEY VARRICK (1973).). Pourtant, en ce qui concerne l'approche politique du film, il n'est jamais aussi catégorique.

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Siegel présente en effet les méandres d'un système judiciaire aussi inactif qu'incohérent, et dont la corruption incosciente empêche toute forme d'action efficace contre une criminalité en hausse, représentée par le personnage d'Andrew Robinson, le Scorpio, psychopathe terrifiant autant par ses actions que par son humanité prononcée. Parce que la loi et la justice sont deux choses bien différentes, on arrive à des incohérences judiciaires effrayantes telles que celles décrites par DIRTY HARRY. Au final, on arrive à se demander qui est le pire de tous. Est-ce le Scorpio? Finalement, ses actes s'expliquent relativement facilement par la folie dont il est de toute évidence atteint. A l'inverse, le maire et ses acolytes, par leur inaction, autorisent l'action de personnes aussi dangereuses, et sont par conséquent aussi voire plus dangereux que celles-ci. Siegel crache avec vigueur sur la politisation de la police et déplore de toute évidence cette dernière, puisqu'elle bloque l'action de personnes comme Harry Callahan, dont les méthodes, aussi douteuses soient-elles, permettent de faire une différence et de sauver des vies. Jamais, pourtant, Siegel ne décrit ce dernier comme une solution. Mais peut-être Harry Callahan est-il ce qui se dégage de mieux d'un système inerte et corrompu, et le fait que celui-ci soit un symbole d'espoir et de justice pour le spectateur devrait être révélateur. DIRTY HARRY, sans proposer de réponse aux questions qu'il impose avec violence, reste néanmoins une alerte à l'action contre un problème qui amène constamment la société moderne sur la pente descendante. Le problème est-il que les criminels se croient au-dessus des lois ou que la police se sente au-dessus de celles-ci? Le problème, est-ce le criminel, ou les politiques qui ne veulent pas agir contre ceux-ci? Tant de questions trop ambigues pour trouver une véritable réponse et pourtant frontalement abordées dans ce qui est sans doute le chef d'oeuvre ultime du grand Don Siegel.

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Il est donc de facile de comprendre en quoi DIRTY HARRY a pu déranger à l'époque, et en quoi il peut encore déranger à une époque ou les problèmes qu'il décrit sont plus actuels que jamais. C'est une oeuvre subversive, voire transgressive, qui est d'autant plus corrosive qu'il ne cache jamais sa subversion. Celle-ci fait partie intégrante du premier degré de lecture. Le divertissement se mêle ici avec brio à la réflexion politique. Pour autant, ne nous voilons pas la face, on regarde avant tout DIRTY HARRY pour le spectacle qu'il à a proposer. C'est en effet un film spectaculaire, qui propose des scènes d'action absolument révolutionnaires dans l'époque. Leur intensité et leur puissance n'a d'égal que la majestuosité de la mise en scène de Siegel, et le tout est constamment soutenu par la bande-son irréprochable, très pulp, très seventies et tout à fait jouissive du très grand Lalo Schifrin. Aussi fasciste soit-il, impossible de ne pas jubiler vis-à-vis de l'attitude badass d'Harry Callahan, ou de ne pas ressentir la tension nerveuse inhérente au film de Don Siegel. C'est sans compter que ce dernier à complètement révolutionné les codes narratifs et visuels du polar et a apporté toute une vague de films se revendiquant de la même veine, notamment une série de 4 suites, dont le deuxième volet, MAGNUM FORCE (1973), fut conçu quasiment entièrement pour calmer les ardeurs après le premier et rendre le tout un peu moins corrosif. Dommage, mais en soi, DIRTY HARRY se suffit à lui-même.

34Du coup, on va pas y aller par quatre chemins : DIRTY HARRY est un chef d'oeuvre, et c'est un film tout à fait indispensable à quiconque s'intéresse au cinéma. Au-delà des questionnements passionnants, importants & tout à fait indispensables qu'il propose, c'est avant tout une oeuvre qui brille par sa capacité constante à mêler ceux-ci à un côté divertissement tout à fait jouissif. DIRTY HARRY est un film drôle, amusant, mais dans le même temps, c'est également une oeuvre d'un grand nihilisme, d'une noirceur absolue et d'une subversion corrosive et hardcore. Tout cela est rendu possible par la maîtrise totale & le talent visuel incroyable de Don Siegel et par la superbe composition de Clint Eastwood, qui, avec le personnage d'Harry Callahan, trouve un des plus grands rôles de son illustre carrière. Dans l'ensemble, difficile de reprocher quoi que ce soit à un tel film. Les spectateurs les moins exigeants y trouveront un excellent divertissement, là ou les spectateurs plus exigeants eux, y trouveront un excellent divertissement ET une oeuvre d'une profondeur égale. Chef d'oeuvre, chef d'oeuvre, chef d'oeuvre.

-DUSTINOEUFMAN-

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SI VOUS AVEZ AIMÉ CE FILM, VOUS AIMEREZ...

  • COOGAN'S BLUFF (1968) / DON SIEGEL
  • CHARLEY VARRICK (1973) / DON SIEGEL
  • ESCAPE FROM ALCATRAZ (1979) / DON SIEGEL
  • THE FRENCH CONNECTION (1971) / WILLIAM FRIEDKIN
  • TO LIVE AND DIE IN L.A. (1985) / WILLIAM FRIEDKIN
  • THE GAUNTLET (1977) / CLINT EASTWOOD
  • SUDDEN IMPACT (1983) / CLINT EASTWOOD
  • BULLITT (1968) / PETER YATES
  • THE GETAWAY (1972) / SAM PECKINPAH
  • SERPICO (1973) / SIDNEY LUMET

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POUR ALLER ENCORE PLUS LOIN...
(Films très différents de celui chroniqué, mais qui permettent de mieux l'aborder & le comprendre)

  • TWO MULES FOR SISTER SARA (1970) / DON SIEGEL
  • THE BEGUILED (1971) / DON SIEGEL
  • THE BLACK WINDMILL (1974) / DON SIEGEL
  • MAGNUM FORCE (1973) / TED POST
  • DEATH WISH (1974) / MICHAEL WINNER
  • VIGILANTE (1980) / WILLIAM LUSTIG
  • THE WILD BUNCH (1969) / SAM PECKINPAH
  • THE HEAVEN'S GATE (1980) / MICHAEL CIMINO
  • VIOLENT COP (1989) / TAKESHI KITANO

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8 septembre 2013

DIRTY HARRY [GALERIE]

Titre
DIRTY HARRY / L'INSPECTEUR HARRY (1971)

UN FILM DE DON SIEGEL.
ÉCRIT PAR HARRY JULIAN FINK / RITA M. FINK / DEAN REISNER / JO HEIMS & JOHN MILIUS.
AVEC CLINT EASTWOOD / ANDREW ROBINSON / JOHN VERNON / RENI SANTONI & HARRY GUARDINO.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR LALO SCHIFRIN.

Un tueur en série menace de tuer une personne par jour si la municipalité de San Francisco ne lui paye pas une énorme somme d'argent. C'est sans compter sur l'inspecteur Harry Callahan qui, pour arrêter cette menace, n'hésitera pas une seconde à enfreindre lui-même la loi.


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15 août 2013

BOAT PEOPLE

Titre
BOAT PEOPLE
/ PASSEPORT POUR L'ENFER (1982)

UN FILM D'ANN HUI.
ÉCRIT PAR TAI AN-PING CHIU.
AVEC GEORGE LAM / SEASON MA / CORA MIAO / ANDY LAU / KEI MUNG SEK.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR WING-FAI LAW.

Après la guerre du Viêt Nam, Akutagawa, un journaliste japonais, est invité par les autorités locales pour faire un reportage sur le bon développement du pays. Il découvre bien vite que la réalité est bien autre que celle qu'on lui montre, et en recontrant une famille vietnamienne démunie, il découvre la misère du peuple.

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Si le cinéma hong-kongais jouit d'une certaine popularité en France, et de manière générale, en Europe, de très nombreuses perles issues de la péninsule y demeurent presque inconnues. Si des films comme IL ÉTAIT UNE FOIS EN CHINE ou THE KILLER sont considérés comme des classiques, voire comme des chefs d'oeuvres du cinéma, d'autres, comme BOAT PEOPLE, sorti en France en 1982 en VHS sous le tître ridicule PASSEPORT POUR L'ENFER, gagneraient à être plus connus. Son absence de visibilité est d'autant plus étrange qu'Ann Hui, la réalisatrice, est considérée comme une des figures les plus importantes de la nouvelle vague hong-kongaise. Rappelons que la nouvelle vague hong-kongaise désigne un mouvement lancé a la fin des années 1970 par de jeunes réalisateurs, issus de la télévision hong-kongaise. Parmi eux : Ann Hui, bien évidemment, mais aussi Patrick Tam (THE SWORD, 1980), Kirk Wong (GUNMEN, 1988), Stanley Kwan (CENTER STAGE, 1992) et surtout l'illustre Tsui Hark, qui, dans les années 1980-1990 deviendra le fer de lance de l'industrie cinématographique hong-kongaise et réalisera ou produira plusieurs des plus grands chefs d'oeuvres de la péninsule. Leurs objectifs sont aussi simples qu'audacieux : révolutionner le cinéma d'Hong Kong, alors en plein essoufflemment, en proposant au public local des oeuvres aussi novatrices qu'engagées. Le résultat? Des oeuvres aussi subversives et audacieuses que L'ENFER DES ARMES (1980) ou BOAT PEOPLE.

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Lorsqu'en 1982, Ann Hui s'attaque à ce BOAT PEOPLE, elle à déjà réalisé deux films sur le Viêt Nam : THE BOY FROM VIETNAM (1978), un documentaire réalisé pour la télévision, et STORY OF WOO VIET (1981), qui lui permet de se faire un nom sur la scène cinématographique mondiale. Forte d'un certain succès, elle décide de clore sa trilogie sur le Viêt Nam avec BOAT PEOPLE, qui met en scène un photographe japonais venu faire un reportage sur les conditions de vie du peuple vietnamien. Le film commence sur les chapeaux de roue avec un plan séquence de deux minutes 30, introduisant son spectateur dans ce pays et cette époque troublés en un instant. L'immersion ne sera relâchée qu'arrivée à la fin des 100 minutes qui composent le film, qui, au-delà d'être une oeuvre très engagée et instructive, est surtout un film très cruel et traumatisant. Ann Hui étant une réalisatrice aussi consciencieuse que couillue, on ne sera guère surpris du traitement visuel qu'elle apporte à son film, qui navigue constamment entre le documentaire ultra-réaliste et le pur cinéma, qui montre la réalité et la vérité de manière frontale sans jamais oublier sa grammaire cinématographique, qui informe & instruit sans jamais oublier ce qui fait l'essence du cinéma : l'émotion viscérale. Dès les premières minutes, force est de constater que cette approche fonctionne : de nombreuses informations intéréssantes sur une époque obscure sont offertes au spectateur, mais le tout demeure constamment stylisé par le biais de plans-séquences incroyables, de prises de vues complexes et d'éclairages insolites. L'immersion est immédiate, et est renforcée par la sublime esthétique du film, jongleant constamment, et ce, avec brio, entre un naturalisme extrême et une étrangeté visuelle bien cinématographique. Inutile d'avoir vu d'autres films d'Ann Hui pour comprendre qu'il s'agit sans conteste d'une grande réalisatrice : BOAT PEOPLE est suffisamment éloquent.

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Pourtant, il semble très clair que c'est moins l'approche visuelle du film que le propos politique qu'elle cherche à transmettre via ce dernier qui intéresse Ann Hui. Il paraît évident qu'elle s'assimile au personnage de militant autour duquel son film tourne : Akutagawa, un journaliste japonais venu à Viêt Nam pour aider son prochain mais qui ne peut s'empêcher, en le faisant, de remuer la merde. Impossible de ne pas voir entre la réalisatrice et son protagoniste, qui, à leurs échelles respectives, sont tous deux des activistes. Ce lien est d'ailleurs renforcé par "l'arme" principale d'Akutagawa : son appareil photo. Les images qu'il capture font étalage de plus de vérités que toutes les paroles du monde. Elles sont neutres, et par conséquent, justes. Il n'y a pas de mensonge en elles. Le symbole est clair, Ann Hui, tout comme Akutagawa, se voit comme une guerrière du mensonge et de la tromperie, et cherche, par le biais de sa caméra, à montrer la vérité de la manière la plus crue possible. Ce n'est pas pour rien qu'une grande partie du film repose sur la découverte d'Akutagawa des véritables conditions de vie des vietnamiens après avoir été cruellement trompé par des officiels gouvernementaux corrompus. BOAT PEOPLE témoigne d'une volonté noble de déjouer les mensonges des gouvernements et de mettre en lumière la vérité, mais Ann Hui elle-même semble consciente de l'impossibilité totale de concrétiser un tel objectif, comme en témoigne le final cruel qui, sans en dire trop, vous laissera K.O. Au final, la photographie, le cinéma, et sans doute l'art de manière générale, aussi juste soit-il, ne peut précipiter le progrès social. Seule l'action directe et concrète peut le permettre. Seuls les révolutionnaires ont le dernier mot, mais même ceux-ci sont trahis et délaissés par leurs propres révolutions, qui avancent sans eux et ne leur laisse que des souvenirs douloureux. Ce sont les constats qu'émet clairement BOAT PEOPLE, par le biais de symboles aussi forts qu'évidents, et tous contribuent à faire de celui-ci une oeuvre aussi radicale que subversive. BOAT PEOPLE est d'autant plus subversif que le sujet du Viêt Nam est à l'époque un tabou considérable à Hong Kong, mais en plus, il le fait avec une hargne et une absence de concessions que seul le chef d'oeuvre de John Woo, UNE BALLE DANS LA TÊTE (1990) peut se targuer de surpasser.

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Mais BOAT PEOPLE, c'est également un portrait noir de l'humanité. Le film d'Ann Hui montre non seulement la situation précaire des vietnamiens, héritage terrible d'une guerre insensée, mais il livre aussi avec rage le portrait des hommes qui l'exploitent, qui en profitent et s'en servent pour s'élever socialement. Toute cette noirceur, toute cette merde qu'Ann Hui s'acharne à montrer de manière frontale s'étend également, dans son film, comme un virus, et pousse même les plus jeunes à se séparer de leur pureté et de leur innocence en entrant, contraint et forcé par la société qui les entoure, dans un monde adulte dont le manque de sens et la violence sont constamment justifiés par le besoin de survivre. Dans tout ce merdier nage le personnage d'Akutagawa, seule trace de noblesse dans un monde crade et poisseux ou la justice n'a pas sa place. Celui-ci, presqu'incapable d'être violent, ne peut subir que celle du monde qui l'entoure ou tenter de la guérir. En ce sens, c'est le seul personnage véritablement positif du film, et si d'autres, comme le personnage joué par Andy Lau, alors au début de son illustre carrière, attirent inévitablement la sympathie du spectateur, ses actions font de lui une figure ambigue. Il en va de même pour Cam Nuong, la jeune adolescente qu'Akutagawa tente sans cesse de sortir de la misère mais qui ne parvient pas à s'extirper par elle-même du monde corrompu qui l'entoure et l'influence. Toutes leurs actions, néanmoins, se justifient par le contexte troublé dans lequel ils évoluent, et ainsi, ils apparaissent davantage comme les victimes et sont donc tous très attachants... C'est là une des grandes forces du film : le scénario écrit par Tai An-Ping Chu est d'une grande justesse et évite toute forme de manichéisme, et si la trame narrative est extrêmement codifiée, les personnages du film sont tous magnifiquement écrits.

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Rajoutons d'ailleurs que ces personnages sont, sans exception, tous brillament animés et interprétés par des acteurs de talent. Andy Lau, dont c'est ici le deuxième film, et qui, à l'époque, était très loin du statut de super star qu'on lui connait aujourd'hui, livre déjà une prestation pleine d'intensité, et il s'impose dès ce film comme un acteur talentueux. Season Ma et Cora Miao, les deux actrices du film, livrent également des interprétations de qualité et donnent vie à des rôles difficiles. Mais la vedette de ce film, c'est bien évidemment George Lam, qui interprète Akutagawa avec un grand talent, une certaine subtilité et beaucoup de charisme. Vous l'aurez compris : BOAT PEOPLE est brillament interprété, et ses acteurs contribuent à faire du film la baffe émotionnelle qu'il se doit d'être. Ainsi, Ann Hui joue de la sympathie que son scénario & ses acteurs inspirent au spectateur vis-à-vis de ses personnages pour créer des émotions et joue avec les attentes pour mettre en place des moments de violence d'une cruauté incroyable. Ceux-ci sont d'autant plus durs et secs qu'Ann Hui va, dans ces moments-là, jusqu'a sacrifier l'esthétique de son film, notamment vis-à-vis du montage, pour les amplifier & renforcer leur impact viscéral. BOAT PEOPLE n'est pas un film bouleversant à proprement parler, mais c'est une oeuvre qui laisse un choc et une trace indéniable, et si une de ses grandes qualités, à savoir son aspect documentaire omniprésent, renforce le réalisme de son propos, il limite également sa portée émotionnelle. C'est dommage, mais on ne peut pas tout avoir, et en l'occurence, BOAT PEOPLE brille davantage par ce qu'il à a dire que par ce qu'il à a faire ressentir, et en l'état, il demeure un film très viscéral et une baffe cinématographique importante.

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Que dire de plus? BOAT PEOPLE est un vrai chef d'oeuvre. C'est un film très engagé, radical, subversif et viscéral, qui souffre certes, par moment, du léger manque de portée émotionnelle inhérent à son approche ultra-réaliste, presque documentaire. Pourtant, Ann Hui n'oublie jamais de faire du cinéma et signe un film puissant, choquant voire traumatisant, d'une grande beauté esthétique et fort d'une reconstitution historique à tomber par terre. Au-delà de ça, son propos est aussi fort que pessimiste et déprimant, mais à une époque ou le cinéma perd constamment de sa portée subversive, des films comme BOAT PEOPLE sont une bénédiction. Toutes ces qualités font du film d'Ann Hui un véritable indispensable, et si vous aimez le cinéma hong-kongais, alors il l'est encore plus. Soyons clair : c'est un des films hong-kongais les plus intéréssants sur le Viêt Nam, et s'il n'a certes pas la puissance émotionnelle d'un film comme UNE BALLE DANS LA TÊTE, il le complète par le propos complexe qu'il s'acharne à transmettre au spectateur. Seul problème : le film est toujours introuvable en DVD (ou en Blu-Ray) en Europe tout comme en Amérique, et le DVD chinois est apparemment au mauvais format... Mais il est hors de question de rater une perle comme celle-ci, n'est-ce pas?

-DUSTINOEUFMAN-

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BOAT PEOPLE est sans aucun doute un projet qui tenait à cœur à Ann Hui. Après avoir passé quelques mois au Vietnam, réalisant des documentaires sur la vie des habitants après la guerre, c’est donc naturellement qu’elle y situe son quatrième film. Mais plus qu’un film, c’est donc un vrai projet, car le métrage est à la fois ambitieux dans sa genèse et dans sa forme même. Pour la première fois de l’histoire, un film hongkongais est tourné en Chine (sur l’île d’Hainan). Une entreprise risquée, puisqu’en ayant le total support de la Chine communiste, Ann Hui peut se mettre à dos tout Taiwan, et risque d’être boycottée là-bas. Mais avec ce support,  elle a alors des moyens considérables : des rues entières peuvent être transformées pour ressembler à une ville vietnamienne, et des centaines de figurants chinois sont mis à disposition. Cela se ressentira dès la scène d’introduction, impressionnante mise en situation du film avec un large panorama sur une foule en liesse.

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La réalisatrice a des choses à dire sur le contexte social de ce Vietnam d’après-guerre, des choses à montrer et à partager. Mais pour ne pas tomber dans le récit trop didactique, elle va utiliser un personnage capital pour le film, celui du reporter japonais. Étranger à la situation, à la culture, et aux habitants vietnamiens, il va découvrir en même temps que le spectateur la réalité de ce pays qui peine à se reconstruire. A travers ce personnage se reflète bien sûr la propre expérience d’Ann Hui. Mais plus encore, il va servir de figure candide, dont on va suivre l’apprentissage tout le long du film.

Et comme tout Candide qui se respecte, son voyage commence sur l’illusion d’un monde parfait. Invité par les autorités locales pour témoigner du renouveau du pays après la guerre, il est reçu par des enfants heureux, bien éduqués, dans un milieu paradisiaque. Mais bien vite, il va se rendre compte que tout ceci n’est qu’une façade, qui cache une réalité bien plus sordide. Dans les villes, la pauvreté est partout, la vie est précaire, et à même les rues des exécutions ont lieues. Mais l’évolution et la prise de conscience du reporter se ne fait pas uniquement à travers ce qu’il observe, mais surtout grâce aux personnes qui croisent son chemin. Toute une galerie de personnage va et vient dans le film, et interagit avec le Japonais. Tout d’abord un homme désabusé, éduqué dans la tradition des colonies françaises, qui rêve d’évasion. Ensuite, une adolescente et ses deux frères, qui vivent dans la misère, pillent les corps des exécutés et fouillent les débris des zones bombardées. Leur mère, veuve, est devenue prostituée. On croise également le chemin d’une petite frappe (jouée par Andy Lau, alors très jeune), qui tente de s’échapper de ce pays. C’est donc à travers leurs expériences et leur quotidien que le reporter, et nous avec,  en apprend plus sur ce Vietnam déchiré. Lorsque la petite frappe est envoyée dans une NEZ, pour New Economic Zone, avec l’espoir d’une vie meilleure, la désillusion est grande. On est les témoins d’une précarité absolue, et derrière ces initiales se cachent une triste réalité.

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C’est donc un voyage très initiatique qui nous est proposé aux côtés de ce journaliste étranger. Le concept est clair, mais ne suffit pas à faire un bon film. Mais Ann Hui ne s’arrête pas là, et va réaliser le tour de force de faire du grand cinéma en partant de ce projet. Comme dit plus haut, la forme est également très ambitieuse : on assiste à un mélange des genres audacieux pour un résultat aussi réussi qu’inédit. Le film alterne entre réalisme documentaire, drame sombre et violent, et film épique.

L’aspect documentaire va presque de soi dans la démarche de la réalisatrice, pour donner une vision réaliste du pays. Ann Hui reste toujours à hauteur de ses personnages pour raconter son histoire, et n’hésite pas à décrire leur quotidien. On apprend ainsi de nombreuses choses sur le pays. Des "chicken farm", places sordides où gisent les corps des exécutés, aux fameuses NEZ, on est vraiment plongé dans un autre monde où il n’est pas difficile de s’immerger grâce aux choix de la réalisatrice.

L’approche dramatique vient soutenir le côté documentaire, et donne au film sa vraie substance. Pour rester en phase avec son approche réaliste, Hui ne va rien épargner à ses personnages. Le film est très cru et va loin dans la violence et l’horreur, qui peut apparaitre à tout moment. Un enfant qui se tue avec une grenade, un homme qui explose sur une mine, un suicide violent, aucune concession n’est faite et la réalisatrice ne recule devant rien du moment que le film le justifie. A bien des égards, cette approche de l’horreur renvoie à la violence jusqu’au-boutiste et nihiliste du film de Tsui Hark alors sorti quelques années plus tôt, L’ENFER DES ARMES. Cette violence progressive atteint son climax dans la séquence finale et la mise à mort horrible d'un des protagonistes. En ce sens, le film interpelle, et cette dimension dramatique permet au spectateur d’être plus qu’un observateur des mœurs vietnamiens, mais de vraiment s’impliquer dans le destin de ses personnages, sans jamais que ce procédé semble gratuit. Un équilibre parfait entre réalisme quotidien et violence crue, pour ressentir autant qu’observer.

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A cet équilibre, Ann Hui se permet d’ajouter quelques effets de style qui permettent de donner au film une vraie personnalité. Elle va ajouter une dimension épique à son histoire, avec une jolie maitrise de la musique et de l’échelle des plans. Si l’aspect dramatique se fait toujours à hauteur d’homme, quelques plans viennent trancher avec cette idée, en y ajoutant un souffle grandiose inattendu. On le retrouve évidemment dans la scène d’introduction, avec un plan panoramique d’une rue avec énormément de figurants, de cris et de fureur. Mais la scène qui résume le plus l’audace –et le génie- de Ann Hui, reste la scène de la mort d’un garçon. Elle s’ouvre sur une multitude d’enfants fouillant les décombres à la recherche d’objets précieux. On comprend, comme le reporter japonais, qu’il s’agit là de leur quotidien. Puis survient l’horreur, l’enfant trouve une grenade qui explose entre ces mains. La violence de la scène est percutante. C’est à ce moment précis que la réalisatrice change d’échelle, avec un plan d’ensemble, suivi d’un travelling qui suit la course du reporter vers l’enfant. La musique surgit à ce moment-là et l’envolée épique emporte le spectateur. En une seule séquence, Ann Hui démontre toute sa maitrise de son film, elle est capable de jongler avec les genres et les registres de manières inattendues, et le résultat est grisant.

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Sorti en 1982 et surfant sur la vague créatrice nouvelle qu’ont amené les réalisateurs de sa génération, Ann Hui réalise avec BOAT PEOPLE un film charnière dans l’histoire du cinéma hongkongais, aussi important dans son approche totalement novatrice que dans ses choix artistiques. Dans une interview, elle expliquait que beaucoup essayait de s’approprier le film pour des raisons politiques, ce à quoi elle répondait :  "c’est simplement une histoire humaine" Et un très grand film.

-WAHO-


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SI VOUS AVEZ AIMÉ CE FILM, VOUS AIMEREZ AUSSI...

  • UNE BALLE DANS LA TÊTE (1990) / JOHN WOO
  • THE DEER HUNTER (1978) / MICHAEL CIMINO
  • LE SYNDICAT DU CRIME 3 (1989) / TSUI HARK
  • L'ENFER DES ARMES (1980) / TSUI HARK
  • LE BRAS ARMÉ DE LA LOI (1984) / JOHNNY MAK

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POUR APPROFONDIR...
(Films très différents de celui chroniqué, mais qui permettent de mieux l'aborder & le comprendre)

  • THE BUTTERFLY MURDERS (1979) / TSUI HARK
  • HISTOIRES DE CANNIBALES (1980) / TSUI HARK
  • THE SWORD (1980) / PATRICK TAM

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15 août 2013

BOAT PEOPLE [GALERIE]

Titre
BOAT PEOPLE
/ PASSEPORT POUR L'ENFER (1982)

UN FILM D'ANN HUI.
ÉCRIT PAR TAI AN-PING CHIU.
AVEC GEORGE LAM / SEASON MA / CORA MIAO / ANDY LAU / KEI MUNG SEK.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR WING-FAI LAW.

Après la guerre du Viêt Nam, Akutagawa, un journaliste japonais, est invité par les autorités locales pour faire un reportage sur le bon développement du pays. Il découvre bien vite que la réalité est bien autre que celle qu'on lui montre, et en recontrant une famille vietnamienne démunie, il découvre la misère du peuple.


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5 mai 2013

THE PRIVATE EYES : NOUVEL AN CHINOIS 1986

Insolite au possible, cette video est l'occasion de voir Tsui Hark, Teddy Robin Kwan, Ringo Lam, Kirk Wong et Alex Cheung, cinq réalisateurs hongkongais importants, interpréter le thème principal de THE PRIVATE EYES, composé et chanté par Sam Hui en 1976, à l'occasion du Nouvel an chinois en 1986 et des 10 ans du film, unanimement considéré comme un des plus grands films réalisés en Chine.
Au-delà de l'aspect comique et cocasse évident d'une telle video, de la drôlerie de découvrir des réalisateurs aux films si noirs faire preuve d'autant de jovialité en interprétant une oeuvre musicale si drôle, c'est l'aspect historique de ce document qui marque. Cette video est le témoin d'une époque révolue pour le cinéma hongkongais, où l'industrie filmique était intrinsèquement liée à la télévision et où les réalisateurs étaient des stars autant que les acteurs qu'ils aidaient à faire découvrir. C'est un souvenir d'une industrie où tout le monde devait savoir tout faire, où il n'était pas concevable de savoir réaliser si l'on ne savait pas jouer, chanter, écrire, composer...
Mais c'est aussi et surtout une trace de la camaraderie présente au sein du cinéma hongkongais, et plus particulièrement au sein même de la nouvelle vague qui l'anima entre 1978 et 1984. Les cinq réalisateurs ici présents, en effet, ont tous à un moment donné travaillé ensemble d'une façon ou d'une autre. Teddy Robin Kwan a travaillé avec Tsui Hark pendant ses années à Cinema City, et avec Alex Cheung puisqu'il tient un petit rôle dans COPS AND ROBBERS, son premier film. Ringo Lam, en plus de travailler avec Kwan au sein de Cinema City, réalisera par la suite deux films pour Tsui Hark (TWIN DRAGONS et BURNING PARADISE), au même titre que Kirk Wong en 1988 avec GUNMEN.
Voir ces cinq réalisateurs importants, réunis pour des festivités par une oeuvre musicale, par un film qui les a probablement tous marqués, pour amuser comme ils peuvent leur public... Cela fait chaud au coeur. A noter que la video a été publiée sur YouTube par Alex Cheung lui-même, qui a malheureusement cessé de réaliser des films en 1997 et aurait bien besoin qu'on lui rappelle que, malgré la distribution médiocre de ses films, il a quand même des fans quelque part. Et si ce n'est pas le cas, alors dépêchez-vous de regarder COPS AND ROBBERS ainsi que MAN ON THE BRINK, deux films indispensables qui ont défini le polar comme un genre traditionnel à Hong Kong et rendu possible des oeuvres comme A BETTER TOMORROW ou THE KILLER.

-DUSTINOEUFMAN-

5 mai 2003

THE PRIVATE EYES : GALERIE D'AFFICHES

Affiche promotionnelle


Affiche hongkongaise  Affiche Mr  


Affiche promotionnelle 2

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